Ce n’est pas par hasard que Barfleur fait partie de l’association « Les plus beaux villages de France ». C’est aussi la plus petite commune du département de par sa superficie (60 ha à terre et 12 ha de plan d’eau portuaire). Couramment appelée la « perle du Val de Saire » à la pointe du Cotentin, Barfleur tire son origine du vieux norrois « floth » (fleuve).
Les pèlerins venant d’Angleterre (les miquelots) débarquaient à Barfleur pour rejoindre à pied le Mont-Saint-Michel. Encore aujourd’hui c’est le point de départ pour le Mont, le « Chemin aux Anglais » ou « Chemin de Paradis ».
Du passé médiéval de la cité, il ne reste presque rien excepté la cour Sainte-Catherine où se trouve la seule maison du Moyen Âge à peu près complète. Elle a conservé une entrée cochère en arc surbaissé, une porte avec linteau en accolade, une fenêtre à meneaux et un bel escalier extérieur.
L’artère principale, la rue Saint-Thomas-Becket, dédiée au célèbre archevêque de Canterbury (XIIè siècle) est bordée de maisons anciennes formant une unité architecturale du plus bel effet. L’alignement des façades en granit aux teintes nuancées, le rythme des toits couverts de schistes bleutés, avec leurs lucarnes aux formes variées, dessinent une belle perspective fuyant vers le port.
Au 64 de cette même rue, pénétrez par la cour de la mairie pour voir le Couvent des Augustins.
Les bâtiments conventuels actuels de 1739, sauvés de la Révolution, font partie des constructions les plus remarquables de Barfleur avec leur façade classique du XVIIIè. Quelques belles maisons bourgeoises du XVIIIè, notamment au 72 rue Saint-Thomas, la « maison Debrix » avec ses lucarnes en œil de bœuf, et au n°3 la « maison Alexandre », autrefois siège de l’Amirauté et qui présente toutes les caractéristiques d’un hôtel urbain (comme à Valognes).
Plus loin, sur le port au 34 quai Henri Chardon, l’ancien presbytère présente encore l’aspect d’une belle demeure avec son enduit ocre.
Scrutez les toits à la richesse aussi discrète qu’originale : schistes bleus, ardoises grises, épis de faîtage, abouts de faîteaux ou gaudions, taffêtes à dentelle ou à boutons. Autant de marques de fabrique des potiers, autrefois de Sauxemesnil et aujourd’hui de la Poterie de Barfleur, installée Rue du Vast. Dans la rue Saint-Nicolas qui débouche de l’église, la plupart des anciennes maisons de pêcheurs comptent rarement plus d’un ou deux étages et offrent de beaux alignements rythmés par le jeu des toits, des lucarnes à 2 ou 3 pans, avec souvent un crochet de levage pour accrocher les filets. À signaler, au n°96, la maison où vécut le peintre Paul Signac de 1932 à 1935.
De l’autre côté du port, quartier de la Brotonne, la maison de Sainte Marie-Madeleine Postel a conservé son aspect d’origine (XVIIè siècle). À l’intérieur, on retrouve des pierres de remploi de l’église romane. Quant à la chapelle qui la jouxte, elle a été édifiée en 1893 par la communauté des religieuses en l’honneur de la béatification de Sainte Marie-Madeleine. À l’intérieur de ce vaisseau néo-gothique, de magnifiques vitraux classés monuments historiques retracent la vie barfleuraise de la sainte.
Mais ce qui attire le regard, la gloire de Barfleur, c’est la mer omniprésente avec ses couleurs changeantes. C’est un formidable spectacle qu’offre ce port d’échouage au gré des marées, au fil des saisons, par ses incessantes variations de lumière.
Il ne reste rien de l’ancien port ducal. Le port actuel date du XIXè et a été construit en différentes étapes:
- 1828 : l’épi, devant l’ancien office de tourisme et son prolongement de 11 m.
- 1842 à 1849 : la grande jetée en granit de Gatteville mesurant 200 mètres.
- 1861 à 1875 : le quai de 400 m aujourd’hui quai Henri Chardon.
N’oubliez pas de contourner l’église, la vue est exceptionnelle : la pointe de Barfleur et le phare de Gatteville, deuxième phare le plus haut de France et d’Europe. Terminons ce périple architectural par un tour sur la digue de la grande grève et le colombier qui date vraisemblablement du XVè siècle. Il faisait partie d’un manoir seigneurial dont il ne reste rien. Coiffé d’une coupole à la couverture dite en « tas de charge », l’intérieur est tapissé de niches à pigeons appelées « boulins ».
L’église Saint-Nicolas, fièrement campée sur un promontoire rocheux et entourée de son cimetière marin, semble veiller sur le village, le port et les flots. Elle confère un charme indéniable à Barfleur, comme si elle avait toujours existé. Or, il a fallu plus de deux siècles, 223 ans exactement, pour édifier cette troisième église paroissiale et c’est cette histoire passionnante que nous allons conter.
Il y avait vraisemblablement à l’origine un premier édifice cultuel en bois. Saint-Romphaire, naufragé au VIè siècle, va évangéliser la région et devenir le premier curé de Barfleur avant de finir ses jours comme évêque à Coutances.
À l’époque ducale, Barfleur possède une église romane construite au XIè siècle. Le débarquement des troupes du roi d’Angleterre, Edouard III, en 1346 va gravement endommager cette église. Restauré et réédifié à plusieurs reprises, cet édifice roman va être définitivement ruiné par les guerres de religion très vivaces au XVIè siècle. Désaffecté pour le culte, c’est la chapelle Saint-Côme de l’église du couvent des Augustins qui sert alors d’église paroissiale.
La population augmentant pour atteindre environ 500 habitants en 1626, il fut décidé de remplacer cette église romane trop délabrée, par une nouvelle église dont la construction allait durer plus de deux siècles :
- Entre 1630 et 1637, le chœur et le sanctuaire voient le jour.
- Puis, entre 1649 et 1653, les quatre piles de la tour et les murs du transept.
- 1695, achèvement du clocher et du transept. Faute de moyens financiers, les travaux vont en rester là. On va murer la construction sur sa partie occidentale et l’église n’aura pas de nef jusqu’au XIXè siècle.
- C’est à l’abbé Anthouard, nommé curé de Barfleur en 1827, que l’on doit l’achèvement de l’église à laquelle il va consacrer toute sa fortune personnelle.
- 1839 à 1844 : construction de la nef complétée par une chapelle axiale surmontée d’un dôme octogonal : la circata, puis construction de la sacristie.
Le clocher actuel est surmonté d’une plateforme bordée d’une balustrade. À noter, depuis quelques années le drapeau normand y flotte en permanence pour rappeler la place privilégiée de Barfleur dans l’Histoire du Duché de Normandie.
À l’intérieur de l’église, un très intéressant mobilier et des objets d’art remarquables dont certains inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. On peut admirer la perque ou tref (XVIIIè) située à l’entrée du chœur avec aux extrémités une statue de la Vierge et de saint Jean l’Évangéliste en bois (XVè). À noter, les statues (1761) de deux évêques : Saint Nicolas, patron de la paroisse, évêque de Myre au IVè siècle et Saint Romphaire.
Dans le bras nord du transept, la Visitation (XVIè), peinture sur toile de l’école flamande de l’atelier de Maerten de Vos le Vieux d’Anvers (1532-1603) représentant la rencontre entre Marie et Elisabeth au premier plan et Joseph et Joachim au second plan, deux groupes sculptés en bois de chêne ; une Pieta (XVIIIè) et l’Éducation de la Vierge (sainte Anne et Marie XVIlè) et les fonts baptismaux (XVIIè) en pierre calcaire avec le couvercle domical en chêne. Sur ces fonts fut baptisée en 1756 Julie Postel, future Sainte Marie-Madeleine Postel.
À la croisée du transept, aux piliers de la tour figurent les bas-reliefs de deux saints invoqués lors des épidémies de peste : Saint Sébastien qui subit le martyr en l’an 300, attaché à un arbre et percé de flèches, et Saint Roch, témoin d’épidémies de peste, qui va guérir quantité de malades. Ayant été atteint lui-même du terrible mal, il va se retirer dans la forêt où un chien lui apportait chaque jour un pain.
Saint Roch est ici représenté en pèlerin avec son bourdon. Sur son chapeau, une coquille Saint-Jacques et sur sa robe deux bulots. Ces deux panneaux en bois datent du XVIIè. Dans le bras sud du transept, une grande Pieta (XVIè), groupe imposant en bois de chêne, et deux statues en bois de chêne aussi (XVIIIè) : Saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre de la Merci pour le rachat des captifs chrétiens, et Saint Victor, qui fut exécuté au IIIè siècle par des soldats romains pour avoir avoué être chrétien. Enfin, accroché à la voûte du chœur, est suspendu un magnifique ex-voto « le Faune ». Il s’agit de la maquette d’un trois mâts baleinier en sapin et en défense de cachalot offert à l’occasion de la naissance du peintre Paul Blanvillain.