Il est difficile et paradoxal d’évoquer le patrimoine naturel de Barfleur, sans évoquer celui du Val de Saire, du Cotentin, voire de la Manche en général. Difficile et paradoxal en effet, car avec ses 60 hectares, Barfleur est la plus petite commune en superficie du département de la Manche. Les paysages et la nature que l’on commence donc « à goûter » ici s’étendent et se développent naturellement tout autour de la ville. D’autre part, Barfleur est avant tout un bourg et c’est son histoire et son patrimoine construit qui nous interpellent en priorité. Cependant, la nature a su conserver ici une place de tout premier ordre avec, pour commencer, la mer bien sûr. Elle est omniprésente. Elle cerne et grignote Barfleur, siècle après siècle, avec toujours plus de gourmandise. Une vue aérienne est surprenante. Le quai Henri Chardon, la rue Saint-Nicolas et les constructions qui les bordent jusqu’à l’église nous apparaissent comme une véritable presqu’île : le port au sud et le cordon littoral au nord. On bénéficie d’un coup d’œil exceptionnel sur cet ensemble marin en contournant le port pour gagner la grande jetée et l’aire du Crako !
Pour unir d’avantage encore la terre et la mer, la nature a inventé les marées. Le flot (flux ou marée montante) et le jusant (reflux ou marée descendante) cachent ou dévoilent un vrai trésor : l’estran. Ce sont ces rochers, ces plages de galets ou de sable fin qui abritent : algues, mousses, lichens, oiseaux, crabes, crevettes, bigorneaux et coquillages d’une infinie variété… Avec l’estran la mer dévoile toute sa grandeur. Car dans le Val de Saire, elle est seule à décider des paysages de bord de mer, qu’elle modèle au gré des vents et surtout de ses humeurs…
La mer n’est pas le seul milieu aquatique ici. À Barfleur et dans les environs immédiats, vous découvrirez les marais et les étangs littoraux, vous suivrez les ruisseaux et les rivières : la Saire naturellement, qui prend sa source au Mesnil-au-Val et qui rejoint la mer à Jonville (Réville). Plus loin la Sinope, et la Divette qui délimitent le Val de Saire…
Dans la Manche, les rivières sont le plus souvent courtes, mais cela ne les empêche pas de flâner dans le bocage. Les eaux y sont fraîches et bien oxygénées et la vie y est particulièrement variée : végétaux, insectes, crustacés, mollusques et poissons.
Ces poissons sont, par ici, très souvent migrateurs : civelles (alevins d’anguilles) portées par le Gulf Stream depuis la mer des Sargasses jusqu’aux estuaires de nos rivières, saumons qui sont allés s’engraisser dans l’océan, jeunes truites de mer qui font leurs allées et venues, lamproies, truites et saumons adultes qui remontent vers les frayères, D’autres sont plus sédentaires et ne vivent qu’en eau douce comme la truite fario et le brochet.
Mais la Saire a eu également un rôle économique important en faisant tourner par le passé une cinquantaine de moulins de tout type. Vous reconnaîtrez ces installations encore visibles ou facilement imaginables au Vicel, au Vast ou à Anneville en Saire. D’autres cours d’eau, plus modestes, arrosent Barfleur et ses environs immédiats. C’est le cas du Ruisseau du Vieux Colombier qui se jette dans le port après avoir flâné dans le marais littoral puis bordé quelques jolis jardins et traversé fort discrètement la rue Saint-Nicolas et le quai Henri Chardon en passant sous la route. Le Ruisseau de la Planque se jette dans le fond du port, venant de Gatteville (au lieu-dit Le Pont le Hôt), en apportant les éléments nécessaires à l’alimentation des oies bernaches que vous y rencontrerez, accompagnées d’une multitude de bécasseaux, parfois de cygnes ou d’aigrettes.
Du côté des marais et des étangs littoraux ce sont encore les oiseaux qui sont les maîtres des lieux. Peut-être reconnaîtrez-vous le vanneau huppé, le cygne tuberculé, les canards variés dont l’immanquable colvert et le tadorne de belon, l’aigrette garzette, la spatule blanche, le busard des roseaux, la bécassine des marais. Sédentaires ou migrateurs, ils sont très nombreux à fréquenter ces espaces car le Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin n’est pas si éloigné.
Des marais sont présents jusque sur le territoire même de la commune ou à proximité immédiate, derrière ses édifices les plus emblématiques. C’est le cas des zones humides qui s’étendent, soit au nord-ouest du bourg entre le camping et le GR 223, ou bien au sud de Barfleur derrière le quartier de la Brotonne, le long de la D1. Ces zones sont suffisamment intéressantes pour être classées en ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Floristique et Faunistique).
Autre type de paysage et donc autre idée de balade : les petites dunes du Val de Saire. Vous les rencontrerez très rapidement en sortant de Barfleur par le chemin de randonnée qui serpente vers le phare de Gatteville et l’étang de Gattemare (GR 223). Elles sont souvent ce seul cordon de « terre » qui sépare l’océan des marais ou des étangs littoraux. Elles sont un milieu exceptionnellement riche en plantes rares et protégées. Vous ne manquerez pas de remarquer le chardon bleu, le chou marin, et pour les plus curieux ou les plus attentifs : la linaire des sables, la criste marine, le pourpier de mer. Ce sont notamment 700 hectares de ces paysages, sur les communes voisines de Gatteville et de Gouberville, qui ont été définis en sites classés en août 2003. Et cela au même titre qu’une quarantaine d’autres sites de la Manche, comme la Baie du Mont-Saint-Michel ou les îles Saint-Marcouf toutes proches. Le Conservatoire du Littoral est ici un acteur incontournable, qui assure la pérennité des sites par l’acquisition foncière. Mais la préservation des espaces naturels est également de la responsabilité de chacun de nous. Notre comportement citoyen et notre respect de toute consigne sont indispensables.
Enfin ce sont les landes et le bocage que nous vous proposons pour terminer ce tour d’horizon des mille et une façons de se faire plaisir en sillonnant Barfleur et ses alentours. Les landes sont spécifiques de leur sous-sol (un vieux socle armoricain, qui laisse jaillir de toute part des grès et des granites souvent vieux de plusieurs centaines de millions d’années). Et, sur le littoral, comme sur les sols de l’intérieur, les landes sont remarquables par les couleurs chaudes de leur flore : toutes les nuances du rose, du rouge, du mauve des bruyères ; tous les jaunes des ajoncs. Une faune sauvage et discrète y habite également. Parmi les plus emblématiques, citons la fauvette présente toute l’année ou l’engoulevent d’Europe. Les landes sont également appréciées des insectes et notamment de certains papillons.
Le bocage, c’est ce paysage commun à toute la Normandie. Paysage de haies sur talus, de prairies, de champs cultivés, de mares, de bois. Ce sont en fait plusieurs milieux naturels très riches, mais principalement construits par l’homme.
Dans les enclos, animaux domestiques et faune sauvage partagent discrètement ces espaces. Dans les champs cultivés, l’homme s’affaire à longueur d’année pour produire tous ces légumes qui font richesse et fierté du Val de Saire : choux de toutes variétés, carottes, navets, poireaux, salades variées, persil… Dans les bois et surtout dans les haies qui protègent ce bocage, la vie pullule : insectes, oiseaux, mammifères. Les essences d’arbres y sont nombreuses (hêtres, chênes, frênes, ormes, peupliers, érables, noisetiers, houx…) et les baies innombrables (mûres, prunelles, sureau, lierre, raisin du diable…). Ces haies, abandonnées pour un temps au moment du remembrement, sont aujourd’hui patiemment replantées et entretenues (plus de 80 000 km de haies dans le département de la Manche). Elles sont garantes, avec notre climat privilégié, de la diversité et de la richesse écologique, donc économique, de notre pays.
Que vous soyez plutôt mer ou plutôt campagne, plutôt à pied ou à vélo, plutôt à cheval ou en bateau, nous sommes persuadés que vous resterez sous le charme des découvertes faites à Barfleur et dans ses environs. Prenez tout votre temps, soyez curieux et, le climat aidant, vous comprendrez pourquoi certains explorateurs et grands navigateurs du 19è siècle sont venus planter ici (camélias et rhododendrons, cordylines et phormiums de Nouvelle-Zélande, mimosas, et autres véroniques).
Le GR 223 fait le tour du département, d’Isigny-sur-Mer au Mont-Saint-Michel et fait donc le tour du port de Barfleur.
Ce chemin de Grande Randonnée reprend l’ancien sentier des douaniers qui parcourt le littoral. Il contourne le port et permet de découvrir le bord de mer. En 3,5 km, il vous mène au phare de Gatteville à la pointe de Barfleur ou de l’autre côté à la pointe de Saire.